Il fait encore nuit quand une camionnette vient nous récupérer, nous, nos sacs et un bidon d’eau de 5L. Après pile-poil 1 mois au Chili, il est temps de changer de crémaillère : cap sur la Bolivie !
Si le passage d’un pays à l’autre a toujours un je-ne-sais-quoi d’excitant, celui-ci s’apparente à une parenthèse enchantée de 3 jours, un huit-clos dans lequel la nature joue les premiers rôles. Le programme est simple : 6 personnes et 1 chauffeur dans un 4×4 surchargé roulant pendant 3 jours sur des chemins de terre au milieu de paysages divinement désertiques. Au bout des chemins, le clou du spectacle : le Salar ou désert de sel d’Uyuni.
Pour démarrer, pas de 4×4 mais une camionnette qui nous conduit à 1h30 de San Pedro, au poste-frontière chilien. Posé au milieu de nulle part, ce petit bâtiment dernier cri nous permet d’effectuer les formalités administratives, avant de rejoindre le poste-frontière bolivien quelques kilomètres plus loin. La différence entre les deux pays se fait tout de suite sentir (la Bolivie est le pays le plus pauvre du continent, mais peu importe, sa richesse est ailleurs), puisqu’ici c’est une cabane en adobe qui fait office de poste-frontière. Tout le monde est en règle, c’est l’heure de charger nos affaires sur le toit du 4×4.
Pour ces 3 jours, c’est Sandi qui sera au volant. La légende dit qu’il a une femme dans chaque village de Bolivie. C’est sûrement ce qui le rend de si bonne humeur. Le reste de l’équipage se compose de David, un irlandais qui fait le tour du monde, Enora & Nicolas, un couple de français en vacances, et Abe, un israélien bizarre. Les ceintures sont bouclées, Sandi met le contact, l’épopée peut commencer !
Jour 1 – Lagunes chromatiques & toile de Dali
Une ribambelle de lagunes nous attend pour cette première journée dans le sud Lipez. On commence fissa avec la Laguna Blanca, suivi un peu plus loin de la Laguna Verde. Chacune tient son nom de sa couleur, et sa couleur des différents minéraux présents dans le sol à l’endroit où elles se sont formées. Elles sont entourées de sommets et de volcans qui se reflètent dans leurs eaux. Niveau végétation c’est service minimum. Parfois quand je m’ennuie, j’essaie de concevoir le nombre de hasards et de miracles successifs qu’il a fallu pour créer les conditions de la vie sur terre (néanmoins, la plupart du temps je pense à un burger avec du bacon, du bleu et des oignons frits), et contempler des endroits tels permet d’ajouter quelques pièces au puzzle. Le temps de méditer sur tout ça, faire 967 photos, et ça repart !
40 minutes de route plus tard on arrive au désert de Dali, baptisé ainsi car on y voit au loin des rochers sortir du sable. Tu rajoutes une montre qui fond, un cygne dont le reflet dans l’eau fait apparaitre une tête d’éléphant, et t’as une toile de Dali. Tout l’art est dans la nature.
On reprend la route en direction de la pause repas. Depuis notre départ au petit matin, on est passé de 2500 mètres à un peu plus de 5000 (nouveau record personnel youhouu). La montée est progressive mais il arrive un moment où le corps commence un peu à dérailler. La respiration devient lourde, le cerveau fonctionne au ralentit, les oreilles se bouchent, stone le monde est stone. Pour combattre le Soroche (mal des montagnes en quechua, qui en plus d’être une marque de décathlon est aussi une des langues les plus parlée en Bolivie), il existe un remède miracle : la feuille de coca. Sandi en a les joues pleines depuis le départ. Peut-être que ça participe aussi de sa bonne humeur.
Avant de passer à table on nous propose de faire trempette dans des eaux thermales avec vue sur l’infini. Idéal pour se remettre les idées en place et ouvrir l’appétit. Forcément, à 5000 mètres au milieu des Andes, on ne sert pas de tournedo rossini ou de souris d’agneau. Le repas est basique mais copieux.
Pas le temps de digérer qu’on arrive déjà aux geysers du coin. Ils sont moins impressionnants que ceux vus la semaine dernière mais ne comptez pas sur nous pour faire les fines bouches.
Une heure de route plus tard, la journée se finit en apothéose avec la Laguna Colorada. Bleu, blanc, rouge : on la rebaptiserait bien Laguna Francia. On dirait qu’une banquise flotte sur un bain de sang. Pour ne rien gâcher, 3 espèces de flamands et des lamas s’y baladent. Ca rentre direct dans le top 5 des paysages du voyage.
3h de route nous séparent encore du refuge où l’on passera la nuit. Heureusement Sandi est un gars cool et on peut brancher notre musique sur les enceintes du 4×4. Bim-bam-boom il fait nuit quand on arrive au refuge, le temps de jouer à UNO, manger des pâtes et au dodo !
Jour 2 – Coupe du monde & Anaconda
Toujours un grand soleil pour le jour 2. Sandi nous réveille vers 7h (moins cool sur ce coup), on lève le camp à 8h. Ce matin on démarre avec une vallée où on peut voir des rochers en forme de coupe du monde ou de chameau. L’occasion de faire une prière pour les bleus et de grimper un peu partout.
Par rapport au jour 1, l’altitude est moins élevée, on est redescendu à 2-3000 mètres, et un peu plus loin on retrouve une végétation bien fournie. Hier les décors étaient désertiquement uniformes, aujourd’hui ils évoluent au fur et à mesure qu’on roule. Il y a des croisements de chemins de terre, des poteaux électriques qui traversent d’immenses plaines, mais toujours très peu de villages ou d’habitations. On arrive ensuite en haut d’un canyon au milieu duquel serpente une rivière aux allures d’anaconda. Tout à fait vertigineuse cette histoire. L’heure est venue de manger un bout, toujours dans l’un de ces petits villages isolés, où nous avons droit à du thon en boite et un gratin de pommes de terre.
Pour la digestion, direction un autre petit village où l’on va pouvoir déguster des bières locales. Bière de cactus, de quinoa et de coca – au choix. Choisir c’est renoncer alors on goûte les 3. Elles étaient bonnes, et de toute façon à part les budweiser light pour américains fébriles, j’aime toutes les bières.
Le deuxième jour se finira un peu plus loin dans un hôtel construit avec des briques de sel. Un concept étrange, mais à deux pas du désert de sel finalement ça fait sens (vive les circuits courts). On a bien évidemment léché les murs pour vérifier, on certifie. Pour le repas du soir Sandi nous a dégoté une petite bouteille de vin, un rouge bolivien assez rugueux qui va nous permettre de dormir tôt. En sortie de table on va scruter la voie lactée qu’on n’avait jamais aussi bien vu à l’oeil nu, puis on s’endort la tête dans les étoiles.
Jour 3 – Salar d’Uyuni & Isla Negra
Il est 4h du mat quand Sandi toque à nos portes. Un réveil militaire : on charge le 4×4 comme des GI et vamos. Sandi et le désert ne font qu’un, c’est son barrio, son fils, sa bataille : il roule dans la nuit et le sel comme je roule dans les rues de Guebwiller – les yeux fermés. Quand on arrive au milieu du Salar, le soleil sort ses premiers rayons. En descendant du 4X4 on commence à comprendre l’envers du décor : pendant la nuit le sol de sel se recouvre d’une fine couche d’eau de 3 cm qui se retire peu après le lever du soleil. Heureusement que nos chaussures sont étanches, on va pouvoir se mouvoir librement dans ce miroir tendu au ciel. On se croirait dans une toile impressionniste, Claude Monet est dans cette bitch, regardez les photos, ça décalque !
Une fois le soleil levé, on reprend la route pour se rendre à l’Isla Negra, une oasis au milieu du désert, où le monde entier est un cactus. En haut de cette colline montée en épingle, on a une vue panoramique sur le désert de sel. Pas de doute, la mer était là jadis.
On petit-déjeune près des cactus et on retourne au milieu du grand blanc, là où l’on peut jouer avec les perspectives pour faire des photos marrantes, voir carrément débiles (notamment celle où j’expulse Solène de mon cul). Même si le ciel est couvert, la réverbération est intense. L’air est super salé. Après 5h dans le désert, le corps est sec. Il est temps de faire un dernier stop au monument du Dakar, cette course automobile qui n’a plus de Dakar que le nom. On y retrouve une flopée de drapeaux, dont celui de la Corse mais malheureusement pas celui de l’Alsace.
L’heure est venue de quitter le désert. Paradoxalement, le temps file vite quand il est suspendu. En sortant du désert, on atterrit dans un marché artisanal qui nous rappelle que désormais on est en Bolivie. Tout est plus modeste ici. Le tour s’achève au cimetière de trains d’Uyuni. Tous ces trains qui ne vont nulle part nous rappellent qu’on a encore pas mal de bus à prendre. Le prochain part dans 10 minutes et il va à Potosi, plus haute ville du monde de plus de 100 000 habitants.
Bisous salés
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